Les jours de “Haïti chérie” semblent bien révolus et bien des refrains du romantisme haïtien, même « Choucoune » font mal à entendre ou à chantonner, après les trois ouragans qui ont frappé le pays, tout le pays.

Non je n’ai pas retrouvé un pays découvert par un Italien du nom de Colombo il y a erreur sur la personne les oiseux-palmistes ont disparu du paysage mais au fait où sont les palmistes d’antan ? les oiseaux-mouches se retrouvent sur les planches à dessin le manguier ventru planté par mon grand-père le voilà sagement empilé nous sommes les spécialistes du charbon de bois au large de Montrouis les arbres du Môle défilent en caravane et les cocotiers pourrissant par la tête meurent l’un après l’autre j’ai vu des champs de maïs voraces grimper les mornes les plus têtus laissant sur leur sillage un tapis de cailloux nous n’irons plus à la rivière froide braver le cours des eaux sur un nid de galets Bassin Zim est devenu un ruisseau d’eau sale où sont les sources d’antan et les plongeons joyeux ? les abricots dodus les cirouelles acides et ces colosses de mombins ? adieu les goyaviers d’antan adieu le lait collant des caïmittiers aux feuilles de rouille partout l’homme a envahi l’espace des dieux il a proclamé la fin des feuilles et des racines la fin de l’eau et la fin des fruits nous laisserons pour nos enfants un paysage de lune parcouru par les camions de sable nous apprendrons à vivre avec les roches fabriquant des bouquets de pierre sur fonds de gravier dans une vallée perdue du côté de Gros-Morne j’ai découvert le dernier mapou de la République il est question de le mettre en musée pour la joie et l’étonnement des générations à venir les poètes de demain ne sauront plus chanter la femme sapotille car il y a bien longtemps que les sapotilles sont partis avec les pipirites les poètes de demain ne savent pas la douceur de canne-calée de Mariana les poètes de demain entonneront le chant minéral qui convient aux adeptes de la lune aux explorateurs de pétrole déjà Colombo avait donné le signal de la mort des acajous maintenant nous n’irons plus au bois car il n y a plus de bois nous n’irons plus en mai danser avec les papillons dorés nous n’irons plus au mois de juillet hanter la cascade de Saut-d’Eau car il y a belle lurette que nous serons devenus dromadaires du désert Le Nouvelliste - No.

Le temps est venu de reprendre le chemin de la volonté générale.

Rien ne pouvait révéler le niveau d'irresponsabilité du gouvernement actuel et la honte qui rejaillit sur tous les citoyens de ce pays que le drame survenu à la prison des Cayes, une semaine après le tremblement de terre.

par Jean-Claude Bajeux (RENE DEPESTRE: HADRIANA DANS TOUS MES REVES, (Gallimard, Paris, 1988).